L’article suivant est un extrait du blog de Joris Périé, architecte, sur la définition et valeur de l’ABF.
Bonne lecture.
Qui sont les Architectes des Bâtiments de France ?
Tout d’abord, il faut différencier les Architectes des Bâtiments de France et les architectes libéraux (qui effectuent la maîtrise d’œuvre de votre projet). Leur métier est très différent, et leur formation n’a qu’une base commune. Les architectes libéraux ont un diplôme d’état d’architecte obtenu en 5 ans d’études. Ces derniers suivent ensuite une année supplémentaire de formation axée sur la maîtrise d’œuvre. Quant aux ABF, après l’obtention de leur diplôme d’état d’architecte, ceux-ci suivent une formation d’une année minimum axée sur le patrimoine. Il y a plus de 30 000 architectes libéraux en France, contre seulement 120 ABF.
Les ABF sont des fonctionnaires du corps des Architectes Urbanistes de l’État. Ils ont une mission de service public qui consiste en la conservation et l’entretien des monuments historiques. Ils contrôlent également tous les projets menés dans les espaces protégés.
Enfin, les ABF sont les chefs de service des Unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP, ex STAP). Chaque département possède une UDAP dépendant de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).
Quelle est la valeur de l’avis l’ABF ?
L’administration qui instruit une demande d’autorisation d’urbanisme recueille l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France lorsque le projet se situe dans un espace protégé. L’ABF peut alors émettre différents avis selon le type d’espace protégé, mais aussi selon le type d’autorisation d’urbanisme. Ainsi, l’ABF peut rendre 3 types d’avis :
- l’avis simple : l’autorité qui délivre l’autorisation d’urbanisme (en principe le maire) peut passer outre l’avis de l’ABF. Mais elle engage ainsi sa responsabilité en cas de recours contre l’autorisation. De ce fait, le maire suit quasiment toujours l’avis de l’ABF ;
- l’avis conforme : le maire doit obligatoirement suivre l’avis de l’ABF ;
- l’avis consultatif : hors secteur protégé, le maire peut toutefois demander un avis à l’ABF au titre de son expertise.
Regardons plus en détail les deux types d’espaces protégés dans lesquels votre projet a le plus de chances de se situer :
le site patrimonial remarquable et les abords des monuments historiques.
Site patrimonial remarquable
Les sites patrimoniaux remarquables (SPR) remplacent depuis 2016 les secteurs sauvegardés, AVAP et ZPPAUP. Un SPR est un périmètre à l’intérieur duquel s’applique un règlement tel qu’un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ou un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP). Pour savoir si votre terrain est dans un SPR, vous pouvez contacter votre mairie. Les SPR et leur règlement sont indépendants des Plans Locaux d’Urbanisme.
Si votre projet se situe dans un SPR, l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France est conforme.
Abords des monuments historiques
Les bâtiments situés aux abords d’un monument historique bénéficient eux aussi d’une protection. Toute autorisation de travaux sur un bâtiment protégé nécessite un avis conforme de l’ABF. Le périmètre de protection au titre des abords des monuments historiques est une servitude d’utilité publique. Ainsi, vous saurez si votre terrain est dans ce périmètre en consultant le plan des servitudes d’utilité publique du PLU.
La protection au titre des abords peut s’appliquer de deux façons :
- dans un périmètre délimité précisément par arrêté préfectoral ;
- sinon, elle s’applique à tout bâtiment situé à moins de 500 mètres d’un monument historique, à condition qu’il y ait covisibilité. La covisibilité implique que ce bâtiment soit visible depuis le monument historique ou que ce bâtiment et le monument soient visibles ensemble à l’œil nu depuis un point quelconque normalement accessible au public. Ce point quelconque peut tout à fait se trouver en dehors du périmètre de 500 mètres entourant le monument historique ! (CE N°431994)
Dans les faits, dès que le projet est à moins de 500 mètres d’un monument, le maire consulte systématiquement l’ABF. C’est alors à l’ABF de déterminer s’il y a covisibilité ou non. S’il y a covisibilité, l’avis de l’ABF est conforme, sinon l’avis est simple.
Il peut arriver que seulement une partie de votre bâtiment se trouve dans un périmètre de protection. Dans ce cas, c’est quand même tout votre bâtiment qui sera protégé et donc soumis à avis de l’ABF.
De plus, on considère un bâtiment dans son ensemble pour juger de la covisibilité. En effet, il peut arriver qu’un bâtiment à modifier soit en covisibilité mais que la partie à modifier ne le soit pas. Le projet de modification sera alors quand même soumis à avis conforme de l’ABF.
Quel délai d’instruction de permis de construire avec un ABF ?
Lorsque la demande d’autorisation d’urbanisme est soumise à la consultation obligatoire de l’Architecte des Bâtiments de France, le délai d’instruction par la mairie est toujours rallongé. La majoration du délai dépend du type d’espace protégé.
Comment éviter un refus de l’Architecte des Bâtiments de France ?
Une demande de permis de construire soumise à avis de l’ABF nécessite davantage de préparation. En effet, il est indispensable de rencontrer l’ABF préalablement au dépôt de la demande pour lui présenter le projet. Il faut le faire le plus tôt possible pour pouvoir prendre en compte ses remarques avant dépôt du PC. Pensez à envoyer un compte-rendu de réunion à l’ABF pour éviter tout malentendu et acter les décisions prises. Si besoin, plusieurs réunions avec l’ABF seront nécessaires.
À cette étape, il n’y a pas de secret : pour convaincre un Architecte des Bâtiments de France, il n’y a personne de plus efficace qu’un autre architecte… Ces deux professionnels ont le même langage technique, le même regard sur le paysage et ils sont confrères. En confiant la conception de votre projet à un architecte, vous mettez toutes les chances de votre côté. Ainsi, dès l’esquisse, votre architecte rencontrera l’ABF, discutera avec lui, vous représentera et défendra votre intérêt comme un avocat le ferait. Parfois l’ABF est très exigeant, votre architecte trouvera alors un compromis satisfaisant pour tout le monde. Une fois l’accord trouvé, l’architecte peut réaliser le dossier de demande de permis de construire. Vous pourrez alors le déposer en mairie sereinement.
Quel pouvoir a réellement l’ABF ?
L’Architecte des Bâtiments de France a une grande liberté pour instruire un projet. Il ne doit cependant pas tomber dans l’abus de pouvoir.
Tout d’abord, l’ABF doit obligatoirement motiver son refus ou ses prescriptions. Cette motivation ne doit se faire qu’au regard de la protection recherchée et de sa compétence. Les motivations doivent également être parfaitement claires et non sujettes à interprétation. Ainsi, un ABF ne pourra pas fonder son avis sur des convictions personnelles, notamment liées à l’emploi d’un matériau.
Rappelons que le champ d’action de l’ABF ne doit pas dépasser celui fixé par la loi. En effet, l’ABF “s’assure du respect de l’intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant.” (art. L.632-21 I du CP). En Site patrimonial remarquable, il vérifie également le respect des règles du PSMV ou du PVAP.
Ensuite, même si les prescriptions de l’ABF peuvent être plus contraignantes que la réglementation d’urbanisme applicable (PLU, code de l’urbanisme, etc.), elles ne peuvent pas aller à l’encontre de cette réglementation.
Enfin, aux abords des monuments historiques, bien que l’ABF soit théoriquement seul compétent pour apprécier la covisibilité, il ne peut pas la décréter comme bon lui semble. De nombreuses jurisprudences ont précisé les contours de la notion de covisibilité. Ainsi, on pourra contester si un ABF considère qu’il y a covisibilité depuis un espace privatif, ou depuis des lieux qui ne sont pas aisément accessibles (exemple : sommet du clocher d’une église).
Quels recours contre l’avis de l’ABF ?
En cas de refus d’autorisation d’urbanisme fondé sur le refus de l’ABF, vous pouvez le contester. Vous adresserez un recours auprès du préfet de région et non à l’Architecte des Bâtiments de France lui-même. Cette requête doit se faire par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois suivant la notification du refus de l’autorisation d’urbanisme. Le préfet de région consulte alors la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture. Il rend ensuite au maire un avis qui remplace celui de l’ABF. Si le préfet infirme l’avis de l’ABF, le maire doit alors statuer à nouveau sur la demande dans un délai d’un mois. En l’absence de réponse du préfet de région sous 2 mois, son silence vaut rejet du recours engagé (art. R.424-14 du CU).
En cas de rejet du recours par le préfet de région, vous pouvez également engager un recours contentieux. Ce recours se fera auprès du tribunal administratif contre le refus de l’autorisation d’urbanisme.